La Nouvelle Digue
inventer un lieu
Depuis le mois d’octobre 2015, la Ville de Toulouse m’accorde sa confiance pour la préfiguration d’un lieu de création qui prendrait place dans l’ancien Théâtre de la Digue.
Le Théâtre de la Digue n’est plus un théâtre depuis déjà quelques années et il ne pourra plus être un théâtre. Il n’y aurait pas de sens artistique et économique à équiper aujourd’hui Toulouse d’une nouvelle salle de 300 places. Il peut par contre devenir un formidable outil pour la création, proposer un nouveau modèle, être un point de convergence de différents domaines, ouvert à de nombreuses collaborations et initiatives. Il peut devenir à la fois un lieu convivial ouvert sur le quartier, sur la ville, et être une fenêtre sur l’international, accueillant des projets venus d’ici et d’ailleurs.
Pour inventer une nouvelle Digue, j’ai entrepris avec l’équipe de la Compagnie 111 de mener sur nos fonds propres une série d’actions de préfiguration qui se dérouleront dans les murs. Je ne pense pas qu’un projet qui a l’ambition d’être un élan pour la création dans les prochaines années puisse se concevoir uniquement sur le papier. Le processus doit ressembler à ce que pourrait être ce futur lieu. Nous nous sommes donc installés dans les murs pour 18 mois pour l’inventer.
Pour pouvoir penser un lieu, il faut d’abord l’habiter. Habiter un lieu permet de partir de l’existant. L’histoire commence là, avec ce bâtiment, cette adresse, ce quartier, cette ville. L’existant est une ressource, il raconte une histoire, il est le point de départ, il est notre ancrage. Nous allons inventer un lieu, transformer un espace qui a vécu, l’actuel bâtiment ne correspondant plus aux nécessités d’aujourd’hui. Cet ancien cinéma (dont il reste quelques gradins sous la scène) a été bricolé il y a 50 ans pour devenir un théâtre, puis remanié à plusieurs reprises jusqu’à devenir dans sa conception même définitivement désuet. Des dimensions de l’espace de création, aux zones d’accueil et de partage, tout doit être repensé, optimisé, et nous allons penser cette transformation de l’intérieur.
Pour penser un lieu, il faut ensuite innover, et cela à tous les niveaux du projet : innovation architecturale (en adhérant aux principes de la nouvelle architecture, pour une construction responsable et économe en énergies), innovation économique (comment penser le financement d’un tel lieu, comment penser l’espace même comme une ressource ?), innovation politique (un lieu qui puisse tisser de nouveaux rapports, répondre à de nouveaux enjeux, notamment dans le décloisonnement des secteurs et dans les liens interculturels et intergénérationnels).
L’innovation sera également présente dans le processus même de l’étude de préfiguration, Ainsi, en synergie avec l’étude de programmation architecturale confiée à l’équipe de l’architecte Chloé Bodart / Construire, nous avons conçu une série « d’actions d’invention » : rencontres publiques, rendez vous artistiques et ateliers de réflexion avec une pluralité d’acteurs.
En effet, pour penser un lieu il faut aussi le partager. Un lieu de création a autant besoin d’être protégé et fermé pour certaines étapes du travail de création, qu’ouvert et nourri par des énergies extérieures. Le partage est donc au cœur de la préfiguration et la présence d’artistes en répétitions contribuera à faire émerger les idées pour le lieu.
Les prochains rendez-vous à la Digue auront comme objectif de penser le lieu autour de trois axes : l’espace, l’innovation et le partage.
Aurélien Bory, janvier 2016